Pour bien comprendre
la philosophie de la Viper, il ne faut jamais perdre
de vue qu'elle a été voulue
et conçue par des hommes ayant redressé une
entreprise qu'on croyait perdue. Dans les années 70,
années noires s'il en fut pour l'industrie automobile
américaine, Chrysler était donné pour
mort. D'aucuns lui prédisaient cette fin inéluctable,
d'autres le voyaient progressivement et fatalement dévoré par
un constructeur japonais, en l'occurrence Mitsubishi... Jusqu'à ce
qu'un ancien dirigeant de Ford, Lee Iacocca, vienne insuffler
un esprit nouveau, entamant l'un des plus spectaculaires
redressements de l'histoire industrielle.
Iacocca a toujours su s'entourer d'une équipe déterminée.
Dans les années 80, il y avait là Bob Lutz, un autre ancien
de chez Ford qui avait exercé aussi chez General Motors, et le brillant
ingénieur François Castaing, ex-directeur technique de Renault
Sport. Ce dernier émigra aux Etats-Unis au moment où Renault
acheta American Motors Cormporation, puis se trouva intégré à Chrysler
lorsque ce groupe revigoré, acheta à son tour AMC à Renault.
Le trio adopta une politique volontariste, axée sur le renouvellement
complet des produits.
Dans ce cadre, la Viper constituait une sorte de vitrine
du renouveau, un porte-drapeau du redressement annoncé. C'est le 4 Janvier 1989, au
salon de Detroit, que Chrysler présenta pour la première fois
le "concept-car" Viper RT/10. L'accueil réservé a
ce modèle alla bien au-delà des instigateurs du projet, et
les choses s'accélérèrent pour aboutir, trente-six
plus tard, à la voiture définitive, très proche de
sa définition initiale.
SUR LE MODELE DE LA SHELBY COBRA
La légende de sa naissance veut que Bob Lutz, directeur général
de Chrysler, Carroll Shelby, père de la Cobra et ami de Iacocca,
Tom Gale et François Castaing, tous deux vice-directeurs de Chrysler
(respectivement du style et du développement des véhicules),
se soient un jour lancés dans une discussion passionnée sur
les grandes voitures de sport du passé. Ils tombèrent d'accord
sur le fait que la Shelby Cobra représentait l'un des exemples les
plus remarquables de ce type de véhicules. Lutz, l'un des partisans
de l'élaboration d'une nouvelle philosophie des produits du groupe
Chrysler, estima qu'il était grand temps de donner un successeur
a ce modèle sportif. Il exigea de Gale et de Castaing l'étude
et la mise point d'un modèle qui devrait surpasser par l'esthétique
et les performances le légendaire roadster des années 60 tout
en satisfaisant, bien sûr, aux impératifs des années
90.
Lutz savaient que certains seraient incapables de comprendre
le projet Viper. Ceci ne l'empêcha pas d'affronter délibérément
ce risque : "La Viper n'est pas une voiture pour n'importe qui, déclara-t-il
plus tard. Nous l'avons su dès le début. C'est un modèle
destiné aux enthousiastes qui aspirent à quelque chose de
grandiose, pas plus, mais pas moins." Exposée, après
Detroit, aux Salons de Chicago et de New York, la Viper continua de susciter
un réel engouement. Ces réactions renforcèrent
Lutz dans ses convictions : il fallait produire la Viper.
Chrysler créa donc un "groupe Viper", petite équipe
de volontaires qui étudia pendant les mois suivants le projet d'une
production en série lancée dans un temps record. La forte
demande émanant d'Europe après la présentation du "concept-car" au
Salon de francfort en 1989 ne fit qu'accéléré le processus.
Le "groupe Viper" qui ne disposait pas de gros moyens financiers, était
organisé comme une écurie de course, où il est nécessaire
d'aborder les problèmes directement et de les résoudre de
manière simple et rapide, le plus délicat étant de
rester le plus près du prototype de Salon. Toutefois, il est indispensable
d'y intégrer les normes de sécurité et, notamment,
de relever la hauteur du pare-brise afin de satisfaire aux normes officielles
imposées pour les tests de collision.
Le 18 Mai 1990, à Los Angeles, Lee Iacocca annonça officiellement
la construction de la Viper. Le 26 Mai 1991, la Viper était la voiture
de la direction de course (le "pace-car") des 500 Miles d'Indianapolis,
l'épreuve la plus populaire aux Etats-Unis. Pour la soixante-quinzième édition
des fameux 500 Miles, 400 000 spectateurs assistaient aux premiers tours
de roue publics de la Viper avec au volant Carroll Shelby, celui-là même
qui, vingt-huit ans plus tôt avait créé la Cobra.
La production de la Viper pouvait commencer.
Elle constituait le premier pas d'une restructuration
complète
de la gamme, poursuivie avec le lancement de la Vision, une grosse berline
très novatrice, puis avec celui de la Neon, une berline moyenne
promise à une belle carrière à l'exportation... Haut de page |